Par Claudine Hébert
Depuis un peu plus d’une trentaine d’années, les tiques à pattes noires s’invitent sur le territoire québécois. Et elles sont encore plus abondantes avec les changements climatiques. Comment s’adapter à la situation ? Comment pouvons-nous désormais mieux prévenir les ennuis que peuvent causer ces parasites à notre santé ?
D’abord, mettons une chose au clair. Il existe une douzaine d’espèces de tiques au Québec. Ce n’est donc pas parce que l’on trouve une tique sur ses vêtements ou encore sur sa peau que l’on vient de contracter systématiquement la maladie de Lyme. « Seulement les tiques à pattes noires (Ixodes scapularis) sont porteuses de la bactérie Borrelia burgdorferi responsable de la transmission de la maladie. Et encore, les tiques à pattes noires ne sont pas toutes porteuses de cette bactérie », signale la biologiste et professeure Jade Savage, de l’Université Bishop’s.
De plus, insiste cette docteure en entomologie, les tiques commencent généralement à transmettre la bactérie au moins 24 heures après avoir commencé à se nourrir du sang de l’hôte. « Autrement dit, si vous retirez de votre peau une tique pouvant être porteuse de la bactérie de la maladie de Lyme dans un délai de moins de 24 heures suivant sa morsure, les risques de prolifération sont considérablement réduits », indique-t-elle.
Cette scientifique dirige depuis 2014 un projet observant les changements dans la distribution des tiques sur le territoire du Québec. L’an dernier, elle et son équipe ont lancé le site web eTick. ca qui invite la population à partager de l’information sur ce parasite. Les gens peuvent ainsi faire parvenir une photo de la tique qu’ils ont prélevée dans l’environnement, sur leur peau ou celle de leurs animaux domestiques, en plus d’indiquer l’endroit où a eu lieu le prélèvement. Ces informations sont cartographiées et accessibles au grand public, souligne Jade Savage.
Notez qu’il s’agit d’un service gratuit et expérimental. L’équipe de la biologiste Savage prend le temps de répondre personnellement à tous les envois de photos qu’elle reçoit. « Nous avons un taux d’efficacité de reconnaissance des espèces de tiques de plus de 95 % », dit-elle.
L’an dernier, plus de 295 cas de maladie de Lyme ont été recensés au Québec, une augmentation de 160 % en comparaison avec 2016. Des auditions publiques ont d’ailleurs eu lieu ce printemps à l’Assemblée nationale pour sensibiliser davantage la classe politique à l’accélération de la propagation de cette maladie. Au moment d’écrire ces lignes, un rapport devait suivre en avril. L’équipe de la biologiste Jade Savage a reçu, quant à elle, plus de 300 photos de tiques en 2017. « 93 % de ces photos représentaient des tiques à pattes noires », souligne-t-elle.
Il faut comprendre que la maladie de Lyme constitue une pathologie assez nouvelle qui est difficile à diagnostiquer. Elle présente différents symptômes pouvant s’apparenter à d’autres maladies comme la fibromyalgie. Ces symptômes se manifestent généralement entre 3 et 30 jours après la morsure d’une tique infectée. Remarquez, la tique peut également être porteuse de la bactérie responsable de l’anaplasmose et de la babésiose, deux infections généralement bénignes dont les symptômes s’apparentent à ceux d’une grippe.
« Malheureusement, les tiques sont là pour de bon. Même le froid intense des mois de décembre et janvier derniers n’aura pas eu raison de la tique à pattes noires qui peut passer l’hiver au sol », indique la biologiste.
Faut-il pour autant s’empêcher d’aller camper et de pratiquer ses activités de plein air par crainte d’être mordu par une tique ? « Pas du tout ! », répond la biologiste. Il faut juste s’adapter et être tout simplement plus vigilant, ajoute-t-elle. « Dès que vous avez passé du temps en nature, et plus particulièrement dans les zones à haut risque (Montérégie et Cantons de-l’Est) situées près des frontières américaines, il faut avoir le réflexe d’examiner son corps et celui des enfants afin de déceler la moindre présence de tiques », recommande Jade Savage. Il faut, insiste-t-elle, regarder partout sur la tête, sous les chevelures et sous les moindres plis de la peau. À ce propos, Jade Savage préconise de se vêtir adéquatement et d’effectuer quotidiennement une vérification complète plutôt que de s’en remettre seulement aux insecticides.
Il n’y a aucune raison de paniquer au sujet de l’animal de compagnie qui va dehors tous les jours. Les chiens ont en général peu ou pas de symptômes s’ils sont infectés. De plus, une tique changera rarement d’hôte pendant un repas (un seul par saison). Donc, il est très peu probable que la tique sur le chien se décroche pour venir nous mordre ensuite, explique la biologiste.
Les tiques ne volent pas et ne sautent pas non plus. Elles marchent. Elles affectionnent particulièrement les milieux forestiers, les buissons, les sous-bois, les clairières, les bords de chemins, ainsi que les pâturages, y compris les pelouses et jardins. Les tiques attendent donc tout simplement qu’un hôte se frotte à elles pour s’accrocher et éventuellement se nourrir de son sang. « Une tique peut être plus petite qu’une graine de sésame lorsqu’elle se colle à votre peau. Au fur et à mesure qu’elle se gorge de votre sang, elle peut atteindre la taille d’un grain de maïs », fait savoir la biologiste.
Des recherches sur le web permettent aisément d’identifier et de reconnaitre une tique. Le site eTick.ca de l’Université Bishop’s en est un. Tout comme le site de l’Institut national de la santé publique du Québec (INSPQ) qui émet aussi des recommandations en cas d’infection. Les deux sites disposent d’une carte qui indique les secteurs où les risques de morsure sont les plus grands. « Notre carte permet également de retrouver l’endroit précis où ont été prélevées les tiques », souligne Jade Savage.
Enfin, Jade Savage précise qu’une tique n’est pas un insecte. Il s’agit, poursuit-elle, d’un parasite de la famille des arachnides (araignées, scorpions, acariens…). Les tiques, insiste-t-elle, ont huit pattes contrairement à six pour les insectes. À ce propos, certains citoyens, dit-elle, ont fait parvenir à son équipe des photos de petites bestioles à six pattes. « Nous avons dû avertir certaines de ces personnes qu’il s’agissait en fait de punaises de lit », conclut Jade Savage.