31 août 2021

Comment faire face à une attaque de chien

Les campeurs, marcheurs et cyclistes doivent faire preuve de sang-froid pour réagir à une attaque de chien. Pour éviter de paniquer et augmenter ses chances d’en sortir indemne, il convient de se préparer mentalement et même, pour les enfants, d’organiser des simulations. Suivez le guide…

Par François Huot

chiens

Chaque jour, des centaines de personnes sont mordues par un
chien au Québec. Un sondage mené au début de 2020 par la firme Léger pour l’organisme sans but lucratif La Société CaniChazz* révèle que plus de 160 021 Québécois ont été mordus par un chien en 2019. De ce nombre, plus de 113 387, soit 70 %, étaient âgés de moins de 18 ans, ce qui indique qu’il y a eu en moyenne 310 morsures de chien par jour sur une personne mineure en 2019. Selon Rose Proulx, comportementaliste canine et fondatrice de La Société CaniChazz, ces chiffres mettent en lumière une réalité qui mériterait d’être abordée de front par les pouvoirs publics.

Si les morsures sont si nombreuses et fréquentes, il faut en chercher les causes non seulement dans le comportement des humains, mais aussi dans la nature des chiens. Selon Jacinthe Bouchard, fondatrice de Zoo académie (la seule école de formation animalière agréée par les gouvernements du Canada et du Québec), trois grandes raisons « amènent un chien à mordre ». Ces motifs sont une intolérance aux manipulations, l’appropriation de ce que le chien considère lui appartenir — nourriture, jouets, territoire — et, enfin, l’envie de prédation à l’égard de ce qui bouge… C’est dans leur nature, souligne Mme Bouchard. « Plus une personne bouge rapidement, plus le chien est excité. Et comme un chien court beaucoup plus rapidement qu’un humain, il est presque toujours inutile de fuir ou de crier, car cela l’excite encore plus. »

Un autre facteur rend les choses encore plus complexes selon Carl Girard, éducateur canin et directeur de la SPA des Cantons. On observe qu’un chien laissé en liberté à la campagne finit par considérer que la route qui passe devant sa maison fait partie de son territoire. « Au fil du temps, ce dernier s’agrandit et devient un no man’s land pour les humains que le chien ne connait pas ! », explique-t-il.

Tous les spécialistes suggèrent un ensemble de « bonnes conduites » à appliquer en cas d’attaque. Le hic, c’est que le niveau de stress est alors extrêmement élevé. Difficile de se contraindre à ne pas fuir et à plutôt « faire l’arbre », soit se croiser les bras sur la poitrine et se positionner de biais — pas de face — par rapport aux chiens. À ces directives, Carl Girard ajoute celle d’enlever casque ou casquette et lunettes « car les chiens se fient aux yeux des humains pour connaitre leurs intentions ». Afin que la victime potentielle reste neutre, l’éducateur recommande aux adultes de regarder au loin et aux petits enfants de fixer le sol, pour éviter d’être « yeux à yeux » avec un chien susceptible d’être aussi grand qu’eux.

Pour résumer, Jacinthe Bouchard affirme qu’il faut « être inintéressant aux yeux du chien ». Par contre, dès qu’une personne bouge devant un chien agressif, elle se transforme en proie et réduit presque à zéro ses chances de ne pas être mordue.

Pas seulement les gros

À priori, tout chien peut constituer un danger selon Anne-Marie Gagnon, une vétérinaire dont l’expertise comprend l’évaluation de chiens dangereux. Forte de son expérience, cette spécialiste explique que les petits chiens peuvent aussi représenter un danger, moins grand vu leur taille, mais non moins fréquent. En outre, elle rappelle « qu’un chien peut souffrir de troubles anxieux ou d’une autre maladie mentale, ce qui l’amène à percevoir des dangers inexistants et à y réagir inadéquatement ».

Anne-Marie Gagnon suggère de toujours demeurer vigilant, même avec les bons chiens de famille. « Ce n’est pas parce qu’un chien n’a jamais eu de comportement agressif qu’il n’en aura jamais », assure-t-elle. Un chien peut longtemps se montrer patient et subir des étreintes et des comportements non désirés (tirage de queue ou d’oreilles, enfants qui se couchent sur lui) avant de manifester de l’irritabilité. Il faut être attentif, car un chien envoie des avertissements avant de mordre. Certains comportements précurseurs sont bien connus (jappement, grognement, oreilles aplaties vers l’arrière), mais le chien peut aussi signaler un danger lorsqu’il se lèche les babines, baille à répétition ou ne laisse paraitre que le blanc des yeux. « Il faut alors cesser d’interagir avec lui, conseille Mme Gagnon. S’il s’agit d’un chien inconnu rencontré à l’extérieur, il convient de ne pas le regarder dans les yeux et de reculer très lentement en silence. »

Que faire d’autre ?

Encore faut-il réussir à mettre en pratique ces bons comportements quand le stress atteint un niveau extraordinairement élevé, surtout si des enfants sont impliqués. Aussi, pour s’aider à mieux réagir au moment opportun, Jacinthe Bouchard suggère aux parents d’organiser des répétitions au cours desquelles les enfants apprendront à se transformer en arbres. À cette occasion, les parents demanderont en outre aux enfants de fermer les yeux, pour éviter que la vision de chiens près d’eux les amène à s’enfuir, et de rester silencieux. Pour les habituer à rester de marbre dans une situation qui ne s’y prête pas, les adultes peuvent alors les chatouiller…

Sifflets à ultrasons, répulsifs, bombes au poivre, bâtons… Les suggestions pour empêcher un chien de foncer sur une personne sont nombreuses. Malheureusement, aucun accessoire n’est parfaitement efficace, à l’exception de produits à usage restreint (armes à feu, bâtons à décharge électrique).

Selon Carl Girard, la solution la plus réaliste serait d’utiliser un klaxon portatif pour surprendre le chien grâce à des sons atteignant 120 décibels, soit l’équivalent d’un avion à réaction au décollage. « Ces klaxons ne coutent que quelques dollars, explique-t-il, et leur impact est immense, car l’ouïe des chiens est de deux à trois fois supérieure à la nôtre. »

Un autre aspect positif, confie Rose Proulx de La Société CaniChazz, c’est le fait qu’un chien qui attaque s’intéressera souvent à la première chose qu’il trouve devant lui. C’est pourquoi elle suggère, quand c’est possible, « de mettre un obstacle entre le chien et nous (vêtement, bicyclette) pour tenter de déjouer ou de distraire le chien ».

En résumé, si l’on est victime d’une attaque de chien, on effectue ces gestes dans la mesure du possible :

  • se placer derrière son vélo,
  • jeter un objet au sol,
  • faire claironner son klaxon,
  • regarder au loin,
  • rester silencieux,
  • adopter une position adéquate

Si tout se passe bien, le chien viendra vous sentir avant de se désintéresser de vous…

* La Société CaniChazz offre gratuitement des ateliers de prévention de morsures de chiens pour les enfants dans les écoles primaires du Québec. Plusieurs documents peuvent être téléchargés à partir de son site canichazz.com.

Lors de ses ateliers, Rose Proulx enseigne aux enfants les positions sécuritaires à adopter en cas de rencontre avec un chien qui semble agressif. Si l’enfant est debout, on lui suggère de faire l’arbre (pieds à la largeur des épaules, coudes sur le torse, poings dans le cou et regard fixe vers
l’horizon – pas vers le chien) et d’inspirer par le nez (les inspirations ont pour but de calmer l’enfant et donc d’apaiser possiblement le chien aussi). Si l’enfant est déjà au sol, il devrait adopter la position de la tortue (genoux sous le ventre et front appuyé sur les bras).

Une fois le chien parti, l’enfant doit ramper ou marcher très lentement vers un endroit sécuritaire. Il doit éviter de courir et de réveiller le désir de prédation chez le chien.

Lorsqu’un enfant veut entrer en interaction avec un chien tenu en laisse, il doit, tout en restant à distance, non seulement en demander la permission à la personne qui tient la laisse, mais aussi… au chien ! Pour cela, l’enfant doit fermer son poing, l’orienter vers l’animal et attendre que celui-ci s’approche pour établir un contact. Attention : il faut ensuite flatter le chien seulement sur ses zones neutres, soit le cou et les flancs. Jamais sur la tête et le dos, car certains chiens trouvent cela intrusif.

Enfin ! Depuis le 3 mars 2020

Partout en public, un chien doit en tout temps être contrôlé par une personne capable de le maitriser.

La mort de Christiane Vadnais en juin 2016 ainsi que l’agression sauvage par trois chiens dont a été victime la joggeuse Dominique Alain en 2019 ont amené le gouvernement du Québec à adopter des règles relatives à la « gestion des chiens ». C’est ainsi qu’est entré en vigueur, le 3 mars 2020, le Règlement d’application de la Loi visant à favoriser la protection des personnes par la mise en place d’un encadrement concernant les chiens*. L’application de ce règlement relève des municipalités, qui ont par ailleurs le droit d’utiliser des règles plus sévères que celles du règlement provincial.

Ainsi, aujourd’hui, il suffit qu’une municipalité ait des « motifs raisonnables de croire qu’un chien constitue un risque pour la santé ou la sécurité publique » pour qu’elle puisse exiger du propriétaire du chien qu’il le fasse examiner à ses frais par un vétérinaire.

Quand un chien est déclaré dangereux, il doit « être gardé au moyen d’un dispositif qui l’empêche de sortir des limites d’un terrain privé qui n’est pas clôturé ou dont la clôture ne permet pas de l’y contenir ». En outre, une affiche doit indiquer la présence du chien dangereux.

Pour les campeurs, marcheurs et cyclistes qui se baladent régulièrement dans des endroits où les chiens restent souvent très libres de leurs mouvements, un article du règlement s’avère particulièrement intéressant. C’est l’article 20 qui dit noir sur blanc : « Dans un endroit public, un chien doit en tout temps être sous le contrôle d’une personne capable de le maitriser. »

Qu’est-ce que cela signifie ? Pour le dire simplement, dès qu’un chien n’est pas maitrisé par une personne sur une route ou un chemin public, on est en droit de contacter un service policier et de porter plainte. Cette action enclenchera alors un processus pouvant mener à une amende de 500 $ pour le propriétaire ou à des mesures beaucoup plus contraignantes si le chien est déclaré dangereux.

Ces règles sont-elles appliquées ? À défaut de statistiques provinciales, un petit coup de sonde à Granby indique qu’il semble que oui. Ainsi, entre mars 2020 et mars 2021, 17 constats d’infraction ont été donnés à Granby en vertu du règlement municipal correspondant à l’article 20 de la règle provinciale. Et, mauvaise surprise pour ces contrevenants, des frais de 150 $ étaient ajoutés à l’amende. Voilà un bel incitatif pour s’occuper correctement de son chien…

« Mais mon chien, il est gentil ! »

Voilà l’éternelle excuse des propriétaires de chiens auxquels on reproche de ne pas contrôler leur pitou. À leur décharge, il faut dire qu’ils ont partiellement raison, car leur chien est véritablement gentil avec eux, mais pas nécessairement avec les autres humains. À force de vivre avec une bête généralement obéissante et soumise, un humain peut croire que son chien est gentil avec tous ses congénères. Ce n’est pas le cas : au plan social, le chien est fondamentalement un animal de clan. Par conséquent, ceux qui n’en font pas partie sont de potentiels ennemis ou des proies.


Devenez le meilleur ami de votre chien

Le titre de ce livre aurait pu être Pour que votre chien devienne votre meilleur ami. Mais, en suggérant que l’on peut devenir le meilleur ami d’un chien, Jacinthe Bouchard indique que les chiens sont fondamentalement différents des humains et que, pour avoir une relation harmonieuse avec eux, c’est l’humain qui doit s’efforcer de comprendre la nature et le langage du chien. Penser le contraire, c’est courir le risque — trop souvent avéré — de voir un chien mordre son maitre ou l’enfant de ce dernier. Jacinthe Bouchard est aussi l’auteure du livre Passion animale/Ma vie est un roman
d’aventures
(éditions de L’Homme) dans lequel elle narre ses expériences avec des animaux hors du commun (tigres, éléphants, girafes, etc.).

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